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2 min
Statut de la proposition
Publiée
Date de création
14/03/2021

Inscrire le droit à l’alimentation durable dans le droit français

Pour mettre en conformité le droit français avec les engagements internationaux de la France

Pourquoi ?

La crise sanitaire actuelle renforce les inégalités socio-économiques et la précarité alimentaire en limitant, pour une partie de la population, l’accès à une alimentation saine, locale et durable. En 2018, 21 % des Français ont rencontré des difficultés à se procurer des aliments sains pour les trois repas quotidiens1. Le rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation le définit comme « le droit d’avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d’achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie psychique et physique, individuelle et collective, libre d’angoisse, satisfaisante et digne »2. Cette définition est incorporée au droit international, au sein de l’article 25 la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et a une portée davantage contraignante depuis le Sommet mondial de l’alimentation en 19963. La France est partie prenante et signataire de ces engagements. Bien que l’article 55 de la Constitution française rende les engagements internationaux contraignants4, dans les faits ni la Constitution française ni le corpus juridique français ne protègent le droit à l’alimentation de manière explicite. Les articles 10 et 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 affirment que la Nation « assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement» et qu’elle « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs…»5. Toutefois, ces dispositions n’ont jamais été interprétées de façon à reconnaître le droit à l’alimentation comme fondamental. L’accès à l’alimentation via l’aide alimentaire constitue une mesure d’urgence. Elle relève d’une conception réduite du droit à l’alimentation qui ne permet ni de l’appliquer dans toutes ses dimensions ni de trouver des solutions sur le long-terme.

Nous proposons ainsi d’inscrire le droit à l’alimentation durable au sein de la Constitution de la République française, afin de faire de l’application de ce droit une mission régalienne. Interpréter le droit de l’alimentation conformément aux engagements internationaux rendrait ainsi possible la sortie du modèle français ne proposant que des réponses d’urgence, insuffisantes et ponctuelles. Cette mesure permettrait finalement à tout un chacun de disposer d’un statut complet de citoyen.

Comment ?

A minima, initier un projet de loi cadre entérinant au niveau national le droit à l’alimentation durable. Cette définition doit être adaptée au contexte français tout en étant en conformité avec celle proposée par le rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation. L’approche systémique et territoriale ainsi que la souveraineté alimentaire sont des conditions de la mise en oeuvre des principes de démocratie alimentaire.

Ajouter l’adjectif « durable »6 pour souligner l’importance du respect des normes de protection environnementale. L’alimentation durable doit être issue d’un système de production qui ne met pas en danger la santé des consommateurs (comme l’usage de pesticides) et doit assurer la qualité nutritionnelle des aliments.

Proposer la définition du droit à l’alimentation durable comme suit :

– Le droit d’avoir un accès régulier, permanent et libre à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante,

– Produite de manière durable pour assurer aux générations futures le même droit,

– Correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur,

– Et assurant une vie psychique et physique, individuelle et collective, libre d’angoisse, pour les générations actuelles et futures.

Sources

(1) Chiche, F. (Septembre 2018). Baromètre Ipsos-SPF 2018, une intensification de la pauvreté. Secours Populaire Français. URL:https://www.secourspopulaire.fr/barometre-ipsos-spf-2018

(2) Nations Unis Haut-Commissariat des Droits de l’Homme. (2020). Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation. OHCHR. URL:https://www.ohchr.org/FR/Issues/Food/Pages/FoodIndex.aspx

(3) Food and Agriculture Organisation. (Novembre 1996). Sommet mondial de l’alimentation. FAO.
URL:http://www.fao.org/wfs/index_fr.html

(4) Conseil Constitutionnel (Janvier 2015). Constitution du 4 octobre 1958.
URL:https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/constitution/constitution.pdf

(5) Conseil Constitutionnel. (2020). Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
URL:https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/preambule-de-la-constitution-du-27-octobre-1946

(6) Paturel, D. (Juin 2019b). Le droit à l’alimentation, un droit en friche. Chaire UNESCO Alimentations du Monde. Les Chroniques «Démocratie Alimentaire» – Volet 3.
URL:https://www.chaireunesco-adm.com/Le-droit-a-l-alimentation-un-droit-en-friche

Les auteur.e.s

Marta Massera
Marta est étudiante en M2 de International Development à l'École des affaires internationales de SciencesPo, Elle est passionnée par le secteur agricole et les solutions visant à rendre notre alimentation plus durable et plus équitable.
Eva MOREL
Diplômée de l'Université McGill et de Sciences Po Paris en politique environnementale, Eva s'intéresse au rôle et au positionnement du secteur public dans la transition écologique et solidaire, et plus particulièrement concernant la transition agricole et alimentaire.
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