Temps de lecture
3 min
Statut de la proposition
Publiée
Date de création
14/03/2021

Instaurer une Sécurité sociale de l’alimentation

Pour promouvoir une véritable solidarité alimentaire

Pourquoi ?

Le système d’aide alimentaire français est complexe, insuff isant pour répondre aux besoins alimentaires de toutes et de tous, et axé sur une aide d’urgence jugée avilissante. Il repose sur une multiplicité d’acteurs. L’État, les collectivités, les CCAS, FranceAgriMer, les bailleurs de fonds privés, ou encore les associations, entremêlent leurs actions pour répondre aux besoins alimentaires de toutes et de tous. Son fonctionnement repose en majorité sur de la main d’oeuvre bénévole. N’étant pas automatique, c’est aux individus éligibles de faire par eux-mêmes la démarche auprès de leur CCAS1. La couverture territoriale des associations et banques alimentaires étant inégale, certaines régions rurales et quartiers urbains n’ont pas accès à l’aide alimentaire. La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté complète ce système d’instruments additionnels2, mais ponctuels. Le taux de couverture du système est insatisfaisant : parmi les 8,8 millions de français vivant sous le seuil de pauvreté, et les 20 millions en situation de fragilité, moins de 20% sont récipiendaires de l’aide alimentaire3. Le système satisfait seulement 40% des apports caloriques et ne comble pas les besoins nutritionnels4. De plus, il ne fournit pas d’aliments de qualité en raison du choix du couplage de l’aide alimentaire à la lutte contre le gaspillage : les invendus et produits transformés constituent 95% de l’aide alimentaire5. Or, fournir aux publics précaires des aliments non-choisis est jugé avilissant. Nourrir les bénéficiaires d’aliments de qualité est nécessaire, car le coût de l’alimentation joue un rôle dans les inégalités en matière de nutrition et de santé6. Le système est construit pour faire face à des besoins urgents, mais ne permet pas une couverture suffisante et qualitative des besoins sur le long terme.  Le système actuel n’est donc pas conforme au droit à l’alimentation (cf. Proposition « Droit à l’Alimentation Durable »).

La crise sanitaire a démontré la vulnérabilité des personnes souffrant de malnutrition. Les problèmes de santé sont des facteurs de co-morbidité liés à une alimentation de mauvaise qualité, auxquels les publics en situation de précarité alimentaire sont davantage sujets. Face à la croissance du nombre de personnes en situation de fragilité sociale, le recours à l’aide alimentaire est sur-sollicité. Les aides financières et matérielles européennes, nationales, territoriales et privées, déjà insuffisantes pour combler la demande d’avant crise, le sont davantage. La crise du Covid-19 met donc en exergue les failles du système d’aide alimentaire.

C’est pourquoi nous proposons la mise en place d’une sécurité sociale alimentaire7;8. Elle permettrait de redonner aux citoyens un pouvoir d’action en exerçant dignement le choix de leur alimentation, et d’inciter aux comportements favorables à leur santé, tout en favorisant l’économie locale. L’argent investi serait donc directement réinjecté dans l’économie locale. Ce dispositif permettrait la mise en conformité du système d’aide alimentaire aux principes de démocratie alimentaire, jugée centrale dans la mise en pratique du droit à l’alimentation durable (cf. Proposition “Droit à l’Alimentation Durable”). Enfin, la sécurité sociale alimentaire renforcerait le volet préventif de la sécurité sociale et diminuerait ainsi les futurs coûts de traitement curatifs (obésité, diabète, etc.).

Comment ?

Mettre à disposition un budget mensuel pour les ménages précaires et/ou situés sous le seuil de pauvreté.

Conditionner l’aide à la résidence, et non à la citoyenneté.

Financer cette mesure grâce à une cotisation spécifique, prélevée et redistribuée de façon similaire à celle de la sécurité sociale sur les revenus mixtes et les salaires.

Conditionner l’utilisation de ce budget, via la carte vitale, à l’achat d’aliments conditionnés : frais, nutritionnellement bénéfiques, locaux dans la mesure du possible, conformes au cahier des charges du commerce équitable et à un régime flexitarien réduisant les apports carnés.

Faire de la redistribution des fonds la prérogative des territoires, idéalement des Agences de l’alimentation (cf. Proposition « Agences de l’Alimentation »).

Sources

(1) Bricas, N., & Paturel, D. (Mars 2019). Pour une réforme de nos solidarités alimentaires. Chaire UNESCO Alimentations du Monde. Policy Brief.
URL:https://issuu.com/chaireunescoadm/docs/01-sowhat-09_2019-fr_28fev_web

(2) Ministère des Solidarités et de la Santé. (Septembre 2018). Investir dans les solidarités pour l’émancipation de tous (Dossier de presse).
URL:https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dp_annonce_strategie_v26_pages.pdf

(3) Le Morvan, F., & Wanecq, T. (Décembre 2019). La lutte contre la précarité alimentaire : Évolution du soutien public à une politique sociale, agricole et de santé publique (Rapport). Inspection Générale des affaires sociales. URL:http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2019-069R-P.pdf

(4) Bellin, C., Dauphin, A.‑G., Castetbon, K., & Darmon, N. E3A : Enquête auprès des Associations d’Aide Alimentaire : Synthèse des principaux résultats. Unité de recherche en épidémiologie nutritionnelle ; Unité de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle.
URL:https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/enquete_aidealim.pdf

(5) EAPN France. (Juin 2018). Vers un droit à l’alimentation en France. EAPN France.
URL:http://eapn.fr/eapn-france-sengage-reconnaissance-dun-droit-a-lalimentation-france/

(6) INSERM. (2014). Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique : Synthèse, discussion et perspectives (Expertise Collective p. 329–70). Paris. INSERM.
URL:https://www.inserm.fr/information-en-sante/expertises-collectives/inegalites-sociales-sante-en-lien-avec-alimentation-et-activite-physique

(7) Paturel, D. Pour une Sécurité Sociale de l’Alimentation. Inra Démocratie Alimentaire.
URL:https://www.academia.edu/39880534/Pour_une_S%C3%A9curit%C3%A9_Sociale_de_lAlimentation

(8) Ingénieurs sans frontières. (Février 2019). Pour une sécurité sociale de l’alimentation. Ingénieurs sans frontières. URL:https://www.isf-france.org/articles/pour-une-securite-sociale-de-lalimentation

Les auteur.e.s

Eva MOREL
Diplômée de l'Université McGill et de Sciences Po Paris en politique environnementale, Eva s'intéresse au rôle et au positionnement du secteur public dans la transition écologique et solidaire, et plus particulièrement concernant la transition agricole et alimentaire.
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