Thématique
Temps de lecture
2 min
Statut de la proposition
Publiée
Date de création
14/03/2021

Répartir équitablement les revenus des Mesures d’Ajustement Carbone européennes

Pour conditionner la réduction des fuites de carbone au principe de responsabilité commune mais différenciée

Pourquoi ?

Dans le cadre du Green Deal proposé par la Commission Européenne, des Mesures d’Ajustement Carbone sont en cours de négociation1. Ce type de mécanisme permettrait de taxer les biens importés par les pays de l’Union Européenne proportionnellement aux émissions de carbone induites lors de leur production. Aujourd’hui, une quantité importante des produits consommés en Europe proviennent en effet de pays dont les réglementations autour des émissions de carbone sont moins strictes. Il semble donc nécessaire de mettre en place ce type de mécanisme pour rendre compte de la consommation carbone effective des Européens. Alors qu’une crise économique se profile en réaction au Covid-19, ce type de mécanisme permettrait également d’éviter aux entreprises européennes d’être désavantagées sur le marché commun face aux produits importés. De plus, la crise a mis en exergue la vulnérabilité des chaînes de production du continent et donc de la France vis-à-vis de certains partenaires commerciaux. La chaîne de valeur du carbone étant intrinsèquement internationale et la politique commerciale restant une compétence de l’UE, nous proposons au gouvernement français de faire pression en faveur de ce type de mécanisme au niveau communautaire.

Cette tarification fait cependant débat. Ses détracteurs y opposent des arguments de protectionnisme et de taxes commerciales unilatérales qui alimenteraient les guerres commerciales. Notre proposition vise à contrer ce risque par une redistribution des recettes de la taxe en suivant le principe de responsabilité commune mais différenciée2. En effet, l’UE porte une responsabilité historique vis-à-vis de la crise climatique. Dans ce cadre, il nous paraît juste d’allouer une proportion plus grande de ce nouveau revenu aux pays exportateurs, souvent en voie de développement, et qui portent une responsabilité moindre face au changement climatique. Évitant ainsi le risque de tensions commerciales, cette redistribution contribuerait à la réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) dans les pays exportateurs et aiderait les pays européens à respecter leurs engagements en matière de financement du climat dans le cadre de l’Accord de Paris. Cette redistribution viserait, dans les deux cas, à investir dans des projets à faible intensité carbone ou contribuant à la lutte contre le réchauffement climatique3.

Comment ?

  • Distribuer 57% des recettes tarifaires issues de ces mesures aux pays exportateurs. La redistribution de la majorité des revenus hors de l’UE est une preuve de reconnaissance de la responsabilité européenne dans la crise climatique. De plus, le nombre 57 fait symboliquement référence au traité de Rome, traité historique en Europe. Ces revenus seront redistribués aux gouvernements des pays exportateurs et devront être alloués à la promotion de leurs politiques environnementales ou climatiques en vigueur ou en devenir.

  • Diviser les 43% restants entre pays européens sous forme d’investissements dans des projets à faible intensité carbone. La redistribution entre les pays membres de l’UE se fera proportionnellement à leurs importations nationales.

  • Garantir qu’un dixième des recettes allouées aux pays européens soit transféré au Mécanisme pour une Transition Juste du Green Deal Européen. Cela permettrait de mettre l’accent sur les pays et les régions dont l’intensité carbone est la plus forte et la plus difficile à décarboner tout en renforçant la solidarité européenne et le principe de subsidiarité.

  • Avoir recours à des organismes et instances reconnus pour l’allocation des fonds. Respectant le principe d’autonomie des pays membres de l’UE, nous souhaitons leur laisser le choix de l’allocation des fonds. Cependant, il nous semble pertinent de suggérer qu’ils soient versés sous forme de subventions, de financements climatiques bilatéraux ou par le biais d’institutions internationales telles que le Fonds Vert pour le Climat ou le Fonds pour l’Environnement Mondial pour garantir des mécanismes de suivi et de transparence.

Sources

(1) European Commission (n.d.). “EU Green Deal (carbon border adjustment mechanism).
URL:https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12228-Carbon-Border-Adjustment-Mechanism

(2) MaCOP21 (2015). “Lancement de la COP21: ce qu’il faut savoir”.
URL:https://macop21.fr/lancement-de-la-cop21-a-savoir/

(3) Ploeg, J. King, C. Paul, S. & Seguineaud, C. (2020). “Addressing International Competition Under the ETS – Policy Brief”. Sciences Po.

Les auteur.e.s

Julian MARTINEZ
Julian est diplômé d'un Master en Environmental Policy (Sciences Po) et un BA en Relations Internationales (Universidad Loyola). Il s'intéresse à la tarification du carbone, aux marchés volontaires du carbone, aux politiques énergétiques et à la transition juste.
Jules GUIBERT
Finalisant son Master à Sciences Po après un Bachelor à King’s College London, Jules s’oriente désormais vers la diplomatie économique !
Laura CAMARUT
Laura est actuellement chargée de communication au sein de la Direction Afrique de Total et policy fellow du think-tank Energy Policy Group. Auparavant, elle a effectué un stage au sein de la Direction des Relations Internationales d’ENGIE, se concentrant principalement sur l'Europe, les Amériques et le Moyen-Orient, et a collaboré avec plusieurs ONGs spécialisées dans les politiques énergétiques et du climat, telles que C40 Cities, Réseau Action Climat et CEE Bankwatch. Elle est diplômée d’un Master en Politique environnementale de Sciences Po, avec des spécialisations en énergie internationale et études européennes et d’une Licence en Sciences politiques de l’Université de Bucarest.
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