Thématique
Temps de lecture
3 min
Statut de la proposition
Publiée
Date de création
14/03/2021

Repenser le rôle des gestionnaires de réseaux

Pour les inciter à investir dans la décarbonation et la résilience du système énergétique


Pourquoi ?

Les entreprises Gestionnaires de Réseaux de Transport et de Distribution de gaz et d’électricité (GRDT) ont un caractère de monopole naturel. Pour cette raison, elles sont régulées par un organe indépendant, la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE). Celle-ci détermine le tarif d’utilisation des réseaux : le Tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE) pour l’électricité, l’Accès Tiers aux Réseaux de Transport (ATRT) et l’Accès Tiers aux Réseaux de Distribution (ATRD) pour le gaz1;2. Bien qu’indépendante dans la prise de décisions, la CRE est en interaction avec le gouvernement et les révisions de tarifs se font sur proposition du ministre. Ces tarifs d’utilisation sont définis en fonction du volume d’énergie transportée, et se répercutent finalement sur la facture des utilisateurs finaux : par exemple, le TURPE représente 30% de la facture d’électricité d’un citoyen français3. Ces tarifs d’utilisation servent à couvrir les besoins d’investissement des gestionnaires de réseau selon une logique de « juste rémunération des capitaux engagés »3 et sont révisés tous les 4 ans. Cependant, suite au confinement, la consommation d’électricité a fortement chuté, entraînant une baisse des recettes liées au TURPE pour les gestionnaires de réseaux. A contrario, les coûts qu’ils encourent et les besoins d’investissements n’ont pas baissé de sorte que le TURPE devra être revu à la hausse en 2021. Il est important que cette hausse de tarif, qui pèsera sur la facture finale du consommateur, supporte des investissements contribuant à la décarbonation du système énergétique.

Étant donné le rôle central des réseaux électrique et gazier dans la chaîne de valeur, nous proposons que le pouvoir de régulation des GRDT par la CRE soit employé comme levier pour accélérer la décarbonation du système énergétique. Cela permettrait aux GRDT, qui jouissent d’un retour assuré sur leurs investissements, de soutenir le développement de technologies immatures pour lesquelles l’investissement privé est insuffisant car risqué. De cette manière, l’investissement des GRDT aiderait au développement d’un système énergétique plus résilient et moins carboné4. Le principal défi pour le gouvernement serait de convaincre la CRE et les entreprises concernées de l’effet positif sur la décarbonation de cette mesure, tout en continuant d’assurer l’indépendance de la CRE5. De plus, la participation des GRDT à de nouvelles activités pourrait susciter un débat sur le caractère libéralisé ou non de certains segments de la chaîne de valeur. Toutefois, la mise en place d’une telle mesure serait un signal fort d’une volonté de transformer rapidement le système énergétique et d’instaurer une dynamique incitative à la décarbonation des activités de toutes les entreprises du secteur6.

Comment ?

La réglementation de la CRE évoluerait en ce qui concerne le calcul de la tarification et le périmètre des activités des GRDT afin de parvenir à un système énergétique plus résilient et moins carboné :

  • Différencier la « juste rémunération des capitaux engagés » selon que les capitaux engagés par les GRDT contribuent à la décarbonation du système ou non. Pour les gestionnaires de réseaux électriques par exemple, il pourrait y avoir un taux de rémunération du capital supérieur pour un investissement dans des technologies existantes et facilitant une société bas carbone (smartgrid, bornes de recharge pour les véhicules électriques, interconnexions avec les pays voisins). De la même manière, les GRDT de gaz pourraient bénéficier de rémunérations avantageuses pour les investissements permettant le transport de mélanges gaz naturel/biogaz/hydrogène.

  • Élargir le spectre d’activité des GRDT au-delà du transport et de la distribution en leur permettant de participer à des projets d’infrastructure plus risqués. La CRE pourrait inclure des objectifs d’accompagnement ou de participation à des activités liées à la transition dans le cahier des charges des GRDT, par exemple investir dans des actifs de conversion gaz-électricité, de production/stockage d’hydrogène vert ou de stockage biométhane.

Sources

(1) CRE (janvier 2017). “TURPE distribution : un tarif qui prend en compte les enjeux de la transition énergétique et préserve le pouvoir d’achat des consommateurs”.
URL:https://www.cre.fr/content/download/15430/181485

(2) Selectra (mai 2020). “Tarifs d’acheminement de l’électricité et du gaz 2020 : TURPE, ATRD, ATRT”. URL:https://selectra.info/energie/guides/comprendre/tarifs-acheminement?_ga=2.200736294.905047626.1589371751-69619920.1589371751

(3) E-Cube Strategy Consultants (avril 2020). “Changer le mode de régulation des grandes infrastructures pour accélérer la décarbonation del’économie européenne”.
URL:https://www.e-cube.com/post/nouvelle-étude-changer-le-mode-de-régulation-des-infrastructures-pour-accélérer-la-décarbonation?fbclid=IwAR2Ucj0agQca90WZxz_u9VATuKn7EiEcbmr8MMRhAEO4sNrTg8CwJ8vOacA

Les auteur.e.s

Baudoin DE HEMPTINNE
Baudoin est diplôme de master en International Energy à SciencesPo. Il est consultant en stratégie dans l’énergie et la mobilité chez E-CUBE
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