Thématique
Temps de lecture
3 min
Statut de la proposition
Publiée
Date de création
14/03/2021

Repenser une taxe carbone plus juste

Afin d’assurer une meilleure acceptabilité sociale et atteindre les ambitions climatiques

Pourquoi ?

La taxe carbone est un sujet clivant en France puisqu’elle touche davantage les ménages les plus modestes et alimente des crises sociales telles que les Bonnets Rouges en 2013 et les Gilets Jaunes en 2018. Les foyers en situation de précarité, qui constituent la base de ces différents mouvements sociaux, sont aujourd’hui les plus touchés par la crise du Covid-19. En effet, un travailleur français sur trois a été placé en chômage partiel depuis le mois de mars. Ce sont également ces mêmes ménages qui dépensent proportionnellement une plus grande partie de leurs revenus dans des biens ayant une empreinte carbone élevée1. Réduire l’empreinte carbone de tous les ménages doit donc être un pilier de la transformation de notre pays pour pouvoir se rapprocher des ambitions de l’Accord de Paris sur le Climat. En effet, ce dernier est déjà mis à mal par la crise économique en devenir et la forte chute du prix des hydrocarbures. Cependant, ces prix historiquement bas doivent être perçus comme une opportunité pour relancer la mise en œuvre d’une taxe carbone.

Au vu de ces constats, nous proposons de redistribuer la totalité des revenus de la taxe sous forme de versements forfaitaires à tous les ménages. Cette proposition répond donc aux deux grands enjeux de la taxation carbone : l’aspect social et la dimension environnementale. Ainsi, nous espérons créer une dynamique autour d’un nouveau contrat social et environnemental. Les ménages contribueront à la taxe de manière proportionnelle à leurs revenus. L’avantage de redistribuer de manière égale serait de créer en réalité des gains de pouvoir d’achat pour les plus modestes, ces derniers dépensant en effet plus en termes relatifs mais moins en termes absolus. Certaines études suggèrent que cela permettrait de réduire le chômage indirectement par des renégociations salariales et une baisse du coût du travail, le tout permis par une hausse de la consommation2;3.

Comment ?

Notre proposition s’articule autour de deux phases : rétablir l’augmentation de la taxe et la redistribuer par la suite.

  • Augmenter progressivement la taxe carbone à 200€/tCO2 en 2030 contre 44,6€2 aujourd’hui. La taxe s’appliquerait en amont à tous les secteurs non compris dans le système européen d’échange de quotas ainsi qu’aux points d’entrée du CO2 dans l’économie. Elle concernerait aussi les émissions des véhicules d’une certaine manière. Ce taux permettrait une réduction de 40% des émissions nationales d’ici 2040 par rapport à 19904.

  • Fixer comme objectif un prix de 415€/tCO2 d’ici à 2050. Même dans le cadre d’hypothèses socio-économiques pessimistes, ce taux permettrait à la France de s’inscrire dans un scénario de réchauffement de 2°C5.

  • Répartir les revenus de manière équitable entre les ménages. Un taux de 200€/tCO2 permettrait au gouvernement de lever 40 milliards d’euros par an6. Avec 29 millions de ménages aujourd’hui, cela correspondrait à allouer 1380€/an à tous les ménages. Cela correspond à une augmentation de 10,5% du revenu brut pour le premier décile et de 5,6% pour l’ensemble de la population française7;8. Selon l’Agence de la transition écologique (ADEME), cela correspondrait à un gain net pour les cinq premiers déciles – ménages les plus modestes – contrairement à un coût net pour les cinq derniers – ménages les plus aisés9.

  • Établir un système par points qui prend en compte la taille des ménages et permet une redistribution plus équitable. Chaque adulte correspondrait à 1 point et chaque enfant à charge 1/2 point.

  • Complémenter cette taxe par un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. En effet, ces hausses de prix pourraient se répercuter sur la compétitivité des entreprises françaises mais seraient potentiellement compensées par un mécanisme d’ajustement des prix aux frontières de l’Union Européenne, à l’image du Pacte Vert européen10.

Sources

(1) Maillet, P. (2020). “L’empreinte carbone des ménages français et les efforts redistributif d’une fiscalité carbone aux frontières”, Sciences Po, OFCE

(2) Anger, N. et al. (2010). “Paying the piper and calling the tune? A meta-regression analysis of the double-dividend hypothesis”. Ecological Economics, 69.

(3) Bovenberg, A.L. (1999). “Green Tax Reforms and the Double Dividend: an Updated Reader’s Guide”. International Tax and Public Finance, 6, 421–443.

(4) Ministère de la Transition Écologique et Solidaire (2019). “Fiscalité des énergies”.
URL:https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/fiscalite-des-energies

(5) High-Level Commission on Carbon Prices. (2017). Report of the High-Level Commission on Carbon Prices. Washington, DC: World Bank.

(6) Calculs du groupe, basés sur une extrapolation du rapport de l’ADEME et de données de l’INSEE ci dessous. Important de prendre en compte l’aspect ponctuel de ce montant, amené à évoluer avec la population, le PIB, les importations, l’empreinte carbone des ménages, ainsi que les politiques d’efficacité énergétique en cours de mise en place en France.

(7) INSEE (2019). “Niveau de vie moyens par décile”.
URL:https://www.insee.fr/fr/statistiques/2417897#tableau-figure1

(8) INSEE (2019). “Tableau de l’économie française: ménages”.
URL:http://www.insee.fr/fr/statistiques/3676599?sommaire=3696937

(9) Callonnec, G., Gouëdard, H., Jolivet, P. (2019). “La contribution climat solidaire”, ADEME.

(10) European Commission (n.d.). “EU Green Deal (carbon border adjustment mechanism)”.
URL:https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/12228-Carbon-Border-Adjustment-Mechanism

Les auteur.e.s

Julian MARTINEZ
Julian est diplômé d'un Master en Environmental Policy (Sciences Po) et un BA en Relations Internationales (Universidad Loyola). Il s'intéresse à la tarification du carbone, aux marchés volontaires du carbone, aux politiques énergétiques et à la transition juste.
Jules GUIBERT
Finalisant son Master à Sciences Po après un Bachelor à King’s College London, Jules s’oriente désormais vers la diplomatie économique !
Laura CAMARUT
Laura est actuellement chargée de communication au sein de la Direction Afrique de Total et policy fellow du think-tank Energy Policy Group. Auparavant, elle a effectué un stage au sein de la Direction des Relations Internationales d’ENGIE, se concentrant principalement sur l'Europe, les Amériques et le Moyen-Orient, et a collaboré avec plusieurs ONGs spécialisées dans les politiques énergétiques et du climat, telles que C40 Cities, Réseau Action Climat et CEE Bankwatch. Elle est diplômée d’un Master en Politique environnementale de Sciences Po, avec des spécialisations en énergie internationale et études européennes et d’une Licence en Sciences politiques de l’Université de Bucarest.
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