Vous reprendrez bien un peu de CDB ?

Maintes fois repoussée dans le récent contexte de pandémie, la Convention des Nations Unies sur la Diversité Biologique se réunira finalement cet automne, en Chine. Alors que les effets du réchauffement climatique vont crescendo, les pays vont devoir négocier des objectifs de plus en plus forts.

« Si la CDB était un être vivant, je pense qu’elle serait un jeune homme naïf. D’abord, parce que je ne tiens pas à rallier la notion de naïveté à la femme. Ensuite, parce que c’est une Convention pleine de bonnes intentions, mais qui, sur le terrain, rencontre un grand nombre de points de frictions. »  Ces mots sont ceux de Christophe Albarran, co-directeur de l’Agence régionale de la biodiversité Nouvelle-Aquitaine. Le 2 juin dernier, dans le Grand Amphithéâtre de la Maison de l’Océan à Paris, la CDB en prend pour son grade. Organisée par la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) à l’occasion de la prochaine rencontre de la Convention, chercheurs et professeurs débattent : la Convention sur la Diversité Biologique peut-elle vraiment sauver la biodiversité ?  

La CDB, Kezako ?

On vous a vus venir : malheureusement, nous n’allons pas vous proposer de découvrir aujourd’hui une nouvelle substance ou plante délicieusement psychotique. La CDB, la Convention sur la Diversité Biologique, est un traité créé en 1992, au moment du Sommet de Rio. Son rôle : développer des stratégies nationales pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique. Peu connu du grand public, il s’agit pourtant d’un document important. Pour la première fois, le droit international reconnaît que la diversité biologique est une préoccupation commune pour l’ensemble de l’humanité.

Depuis sa création, le CDB a permis de nombreuses avancées dans le cadre du développement durable. En 2004, à Kuala-Lumpur, elle insiste sur l’importance de protéger la biodiversité dite « ordinaire », c’est-à-dire l’ensemble des espèces abondantes dans un écosystème. En 2006, à Curitiba, elle recommande de rendre obligatoire l’évaluation d’impact sur l’environnement pour « les activités dans les corridors écologiques identifiés comme importants pour les processus écologiques ou évolutifs ». En 2010, à Nagoya, la CDB crée la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), une interface importante qui a pour mission d’assister les gouvernements et de renforcer les moyens des pays émergents sur les questions de biodiversité. C’est un peu le « GIEC de la biodiversité. »

« Vivre en harmonie avec la nature d’ici 2050 »

La Conférence des Nations Unies sur la biodiversité devait initialement se tenir du 15 au 28 octobre 2020 à Kunming, en Chine, mais a été reportée plusieurs fois en raison de la pandémie de COVID-19. Finalement, elle se déroulera en deux phases : la première, virtuelle, a eu lieu du 11 au 15 octobre 2021. La seconde sera une réunion en présentiel à Kunming en automne 2022.

Et le défi qui attend la CDB cette année est grand : il s’agit de mettre en place un nouveau Cadre mondial de la biodiversité pour l’après 2020, dans le but de « vivre en harmonie avec la nature d’ici 2050. » Pour cela, quatre grands volets seront discutés :

  • Maintenir et restaurer les écosystèmes – c’est-à-dire non seulement les espèces animales et végétales, mais aussi leur habitat de façon plus large ;
  • Mettre en valeur les contributions de la nature aux humains (pollinisation, purification de l’eau, fertilité des sols…)
  • Partager les avantages issus des ressources génétiques naturelles ;
  • Définir les actions pour atteindre les trois objectifs précédents.

Parmi ses objectifs phares : intégrer le grand public dans la gouvernance de la biodiversité, notamment « les différentes visions du monde, en particulier celles des peuples autochtones et des communautés locales », mais aussi les femmes. Un outil qui n’est pas sans faire écho au dernier rapport du GIEC.

Faut-il limiter la place de l’humain ?

Dans ce nouveau Cadre mondial sur la biodiversité, une piste en particulier retient l’attention des scientifiques : la stratégie 30×30. Celle-ci vise à atteindre 30 % d’espaces protégés sur la planète, sur la terre comme dans les océans, grâce à la mise en place d’aires protégées efficaces. Cette mesure fait débat parmi les experts et scientifiques car elle pose la question de la place des humains dans ces zones. Afin de protéger au mieux la biodiversité, faut-il mettre en place une protection intégrale, c’est-à-dire interdire des zones entières aux humains, ou doit-on maintenir des espèces sauvages dans des aires d’exploitation humaine ? Le 2 juin dernier, la revue Sciences estimait que la surface minimale de territoire nécessitant une attention particulière pour sauvegarder la biodiversité était d’au moins 64 millions de kilomètres carrés. Cela représente pas moins de 44% de la surface terrestre et 1.8 milliard de personnes.

Si le débat est épineux, le reste du programme ne l’est pas moins. L’automne prochain, la CDB a par exemple prévu de réfléchir aux manières de réduire de moitié au moins les nutriments perdus dans l’environnement et de deux tiers au moins les pesticides, et éliminer les rejets de déchets plastiques, ou encore d’augmenter de 200 milliards de dollars des flux financiers internationaux, toutes sources confondues, vers les pays en développement.

Le plus gros enjeu, de taille, sera de parvenir à porter ce projet sans cadre contraignant ni dispositif de contrôle. C’est là l’un des plus gros défauts de la CDB qui ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect des mesures. Preuve en est que jusqu’à présent, peu des objectifs proposés par la CDB ont été respectés. En 2010, 196 pays membres ont adopté les objectifs d’Aichi pour la biodiversité qui comprenaient 20 éléments, tels que la sensibilisation à l’importance de la biodiversité, la suppression des incitations et des subventions nuisibles à la biodiversité, la production et la consommation durables. Mais selon un rapport des Nations Unies sur les perspectives mondiales de la biodiversité publié en 2020, les pays n’ont pas atteint plusieurs des objectifs d’Aichi en matière de biodiversité entre 2011 et 2020. Malgré des progrès dans certains domaines, un grand nombre d’espèces restent menacées d’extinction et les subventions nuisibles à l’environnement fournies par les gouvernements, qui représentent plus de 500 milliards de dollars, n’ont pas pris fin.

Bref, cet automne, ça va chauffer à Kunming !

Vous pouvez retrouver le premier projet de cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 ici. Pour revivre la journée FRB 2022, par .

Nos propositions pour préserver la biodiversité 

  • Instaurer un nouveau label d’Aire Marine Protégée à gestion Éducative et Locale (AMPEL), pour améliorer l’efficacité des Aires Marines Protégées. La proposition complète ici
  • Inscrire la Nature dans les programmes scolaires : faire évoluer les programmes scolaires afin de renforcer les contacts avec l’environnement naturel proche de l’établissement scolaire. La proposition complète ici
  • Améliorer la qualité de l’eau des rivières françaises, pour diminuer la concentration de substances produites par les épandages agricoles dans l’eau. La proposition complète ici
  • Mettre en place un label contraignant pour la biodiversité, afin d’assurer une protection effective et de long terme des zones naturelles remarquables. La proposition complète ici
  • Organiser la transition écologique des stations de ski, pour sauver les stations de moyenne montagne tout en protégeant l’environnement. La proposition complète ici

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